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Photo du rédacteurMC Mendez

Un paysage professionnel en mutation

J'ai récemment eu une expérience fructueuse et très agréable en collaborant avec une consultante dans la création d'un atelier dédié à « Diriger ses réunions avec succès ». L'atelier s'adressait à des chefs de projets de tous les niveaux d'ancienneté. Échanger avec eux nous a ouvert les yeux sur le contexte professionnel actuel et à quel point le travail en distanciel a pris du terrain et sur les défis relationnels qui découlent du fait de travailler principalement de derrière un écran.



Pendant mes années en tant que chef de projets ou responsable de post-production, j'ai dirigé et assisté à pas mal de réunions, qui étaient en personne ou par téléphone, les fameux « calls », mais depuis le Covid et l'émergence du travail à distance, le paysage semble avoir radicalement changé. En effet, nous avons découvert auprès des participants en présentiel que, même si les bureaux de leurs clients étaient très proches, 90 % de leurs rencontres avec eux se faisaient à distance. Et nous avons appris de l'autre groupe, composé de collaborateurs travaillant depuis l'étranger, que 100% de leurs rendez-vous (avec des clients et des collègues) se faisaient à distance, puisqu'ils ne résidaient pas à Bruxelles.


D'après leur expérience, il est apparu évident que leur travail se faisait principalement en ligne et nulle part ailleurs. Évidemment, de nombreux avantages peuvent en être tirés. Pour ma part, j'aime optimiser mon temps et c’est le plus grand avantage que nos participants ont également trouvé grâce à ce changement. Ils gagnent en effet un temps précieux. Apparemment, la productivité n'a jamais été aussi élevée depuis que le travail à distance est devenu la norme, il semble donc que le gain de temps soit utilisé efficacement par la plupart.


Cependant, et fait intéressant, alors que les participants de l'atelier étaient majoritairement favorables à la réalisation de leurs réunions en ligne, pour cette raison même d’efficacité et de gain de temps, ils ressentaient également le besoin de réintroduire des réunions en personne de temps en temps, surtout dans des situations difficiles ou tendues. Mais quand ils ont essayé de le faire, leurs clients ont été plutôt hésitants voire réticents à l'idée. Et je pense que c'est l'autre facette du travail à distance. Pour certaines personnes, celui-ci est aussi l'occasion de se retirer dans un environnement confortable et sécurisé, qui comporte de nombreux avantages. Mais n'y a-t-il pas un risque qu'à terme, cette retraite devienne aussi une occasion de se cacher ? Et qu’au long terme, « loin des yeux » se transforme réellement en « loin du cœur » ?


D’ailleurs, autre fait intéressant mis en évidence par nos participants est que certains de leurs collaborateurs ou clients adoptent maintenant parfois des discours ou des comportements irrespectueux, voire impolis en ligne alors qu'ils ne l'avaient jamais fait en personne. Le télétravail est-il donc en train de nous changer ? Serait-il en train d'en désensibiliser certains ? Que deviennent les liens ou les relations professionnelles lorsque l'on travaille en ligne sur le long terme ? Y a-t-il un risque que l'éloignement géographique, le manque d'interaction humaine "réelle", la sécurité d'être chez soi ou derrière un écran finissent par tous nous transformer en trolls ?

Peut-être que les relations existantes sont plus faciles à maintenir, mais qu'en est-il de ces nouvelles relations avec des clients, des collègues, des collaborateurs que nous n'avons jamais rencontrés en personne ? Dans ma pratique de mentor et de coach, certains nouveaux clients me demandent parfois d’organiser une première rencontre en personne, pour faire connaissance, puis nous poursuivons notre travail à distance par la suite. Cela dit, j'ai aussi de nombreux clients que je n'ai rencontrés qu'en ligne, car ils vivent à l'étranger ou n'ont pas le temps de se déplacer. La relation avec eux est-elle moins authentique ?


Je ne pense pas que ce soit le cas, car lorsque je me connecte à une nouvelle personne et que nous commençons notre échange, le focus est sur la personne et ce qu’elle souhaite travailler. Je suis donc aussi présente en ligne que je le suis en personne, mais je pense qu'il y a un facteur déterminant qui facilite cela. Lorsque je coache ou mentore, les échanges se font toujours en tête-à-tête. Je crois vraiment que la dynamique de groupe est plus difficile à gérer en ligne, encore plus avec les réunions hybrides, où deux contextes et de multiples énergies doivent coexister.


Bien que cela ne me dérange vraiment pas de coacher à distance, je trouve que donner ou suivre des formations en ligne est assez difficile. Tous les moments intermédiaires où vous pourriez discuter avec quelqu'un, ou rejoindre un groupe dans une discussion pendant une pause, aider votre voisin en lui donnant un stylo etc… sont perdus. Nous perdons également une bonne quantité d'indices non verbaux lorsque nous rencontrons des gens à distance et nous perdons certaines opportunités de connexion. Les interactions que nous avons en ligne sont principalement liées au contenu à portée de main (à ce que nous sommes là pour faire), il y a très peu d'opportunités d'être simplement un humain parmi d'autres et d'être spontané. Nous perdons ces moments de « chance » impromptus.

Je me suis également demandé s'il y avait aussi un aspect générationnel à cela ? Je fais partie de la génération X. Le numérique n’a pas fait partie de mes années formatrices. Internet est apparu au moment où je quittais l'université, j'ai donc pu prendre le train en marche au début de ma carrière professionnelle. A l'époque, j'étais fascinée par ces nouvelles technologies et les canaux de communication qu'elles offraient (Email, Skype et chat). Aujourd'hui cependant, je me sens dépassée par toutes les applications, réseaux sociaux et technologies à notre disposition. Mon train, pour ainsi dire, s’est fait doubler par un autre plus rapide avec les générations Y et Z à son bord. Pourtant, nous devons tous cohabiter et fonctionner dans ce paysage professionnel de plus en plus numérique.


Je reste cependant optimiste. En fin de compte, il nous appartient à tous de changer notre façon d'aborder les réunions/interactions à distance pour nous assurer que l'efficacité ne remplace pas l'aspect humain de nos collaborations. A nous de rester vigilants. Car au fond, être humain, se sentir connecté aux autres et reconnu par les autres n'est-il pas au cœur de ce qui nous maintient motivés et efficaces dans notre travail ?

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